La noblesse – deuxième partie par Murron McHaley

Tiré de « L’Écho des Cantons » no. 4, avril 2000.

Extrait avec numérisateur et reconnaissance de texte.

La noblesse – deuxième partie

Modes de vie de la societe d’ordre du haut Moyen Age par Murron McHaley

En plus de leurs obligations militaires, les ministeriaux etaient charges de superviser I’exploitation en faire-valoir direct des domaines du seigneur; ils surveillaient les paysans tenanciers, les artisans employes dans les ateliers seigneuriaux (meuniers, boulangers, forgerons, gardes forestiers, brasseurs, chasseurs) mais egalement les commeryants assujettis. En cette peri ode de construction des chateaux forts, iI devinrent regisseurs, burgraves. Les ministeriaux accederent donc a des positions qui les liberaient de tout travail productif. Cette position intermediaire est a I’origine de nombreuses carrieres et donna naissance a une nouvelle couche de nobles. Enfin, les ministeriaux remplissaient aussi des taches administratives au service de la noblesse princiere. Dne part considerable de la noblesse territoriale a ses origines dans cette couche de nouveaux promis. Les anciens serviteurs devinrent de hauts dignitaires, conforterent leurs nouveaux pouvoirs et parvinrent parfois a egaler la noblesse de vieille souche.

Les perspectives d’enrichissement etaient particulierement prometteuses pour les ministeriaux des vi lies. lis participaient au commerce avec les pays lointains et batirent ainsi des fortunes. Dne fois solidement etablis socialement et economiquement, les ministeriaux finissaient presque automatiquement par modifier leur statutjuridique et s’affranchir de leur seigneur. La condition de ministerial devait manifestement offrir des avantages puisque dans certains cas, meme des nobles libres s’abaissaient a entrer au service d’un seigneur comme ministeriaux. A cette periode de Moyen Age, la noblesse n’etait pas encore cloisonnee vers Ie bas. Ce cloisonnement n’intervient que plus tard, alors que les ministeriaux comptaient deja parmi les nobles.

Les ministeriaux devaient leur ascension sociale au fait qu’ils etaient indispensables aux rois et a la haute noblesse pour etablir, renforcer et maintenir leur domination territoriale. II est bien evident qu’iI existait au sein de ce groupe de grandes disparites sociales qui tenaient principalement au statut du seigneur. La promotion sociale s’accompagnant d’un certain mimetisme des parvenus, it se forma avec Ie temps un style de vie commun, calque sur celui de la haute noblesse. Dne culture aristocratique, dite courtoise, emergea, meme si la vie quotidienne des seigneurs n’etait pas toujours aussi brillante que nous Ie rap porte la litterature medievale. Le mode de vie de I’ancienne noblesse se distingua bientot plus de celui des ministeriaux. Le 13e siecle vit I’extinction de nombreuses families de vieille souche et les ministeriaux devinrent largement majoritaires parmi I’elite sociale. Aux environs de 1300, la noblesse etait composee a quatre-vingts pour cent de ministeriel. Ce chiffre laisse deviner les bouleversements sociaux et les transferts de puissance stupefiants qui marquerent Ie haut Moyen Age.

Sociologiquement pari ant, c’est de la categorie des ministeriaux que la chevalerie tira sa puissance. La chevalerie etait un tremplin pour son ascension. II se trouvait certes des vassaux libres parmi les chevaliers, mais la grande majorite etait des ministeriaux. La chevalerie en tant qu’idee n’etait cependant pas incamee exclusivement par ce groupe. Elle etait au creur de la culture courtoise, synthetisant les vertus et les ideaux des modes de vie et de pensee de la noblesse. II est donc d’autant plus surprenant que plus tard la « chevalerie » comme categorie sociale ait ete essentiellement associee a la petite noblesse.