La paysannerie (Modes de vie de la societe d’ordres dn hant Moyen Age) deuxième partie par Tilmann Lohse

Tiré de « L’Écho des Canton » no. 7, septembre 2000.

Extrait avec numérisateur et reconnaissance de texte.

La paysannerie

(Modes de vie de la societe d’ordres dn hant Moyen Age)

par Tilmann Lohse

Pour comprendre les relations conjugales dans un menage paysan d’alors, nous devons nous defaire de I’image du mariage d’amour. A cette epoque, Ie mariage etait regi par de toutes autres considerations. L’homme attachait surtout de I’importance a la femme en tant que main-d’ceuvre; c’etaient les parents qui choisissaient un parti pour leurs enfants et ils veillaient a une certaine egalite de condition. Plus un paysan possedait de biens, plus les tractations materialistes revetaient d’importance dans I’ arrangement d’un mariage. Les paysans pauvres se liaient plus facilement, souvent sans celebrer de noces formelles. Toutefois, Ie seigneur avait un droit de regard sur Ie mariage des serfs. Si I’union projetee contrariait ses interets, il pouvait imposer son veto et inversement, il pouvait obliger des serfs a se marier (cette contrainte directe disparu cependant au cours du haut Moyen Age). Dans certaines regions, Ie serf devait verser une certaine somme au seigneur comme contrepartie a son consentement.

En depit de cette latitude qu’avait Ie seigneur d’intervenir dans la « vie privee » des serfs, ces demiers disposaient tout de meme de domaines qui restaient soustraits a I’influence seigneuriale: dans les limites de I’enclos qui entourait sa terre et dans sa maison Ie paysan etait Ie seul maitre; juridiquement parlant, sa maison jouissait de I’immunite. Le maitre des lieux y remplissait toutes les fonctions qui sont de nos jours du ressort de I’Etat. Le delit de violation du domicile est un reste de cette conception medievale. La cloture sous diverses formes etait un trait caracteristique de I’habitat du Moyen Age – les chateaux forts et les villes etaient entoures de remparts et meme les villages etaient ceints de palissades. La cloture autour de la ferme constituait aussi pour Ie paysan une protection dans la lutte pour la survie qui I’opposait a la nature. II faillait proteger Ie jardin et Ie petit betail contre les predateurs, empecher les animaux de s’echapper.

La cloture remplissait une fonction de protection et de structuration de la population. Elle reunissait des unites formant un tout et permettait de me surer les progres de I’organisation du peuplement: pendant Ie haut Moyen Age, les fermes isolees se frrent de plus en plus rares. La population rurale se regroupait dans des villages. Balayant des conceptions plus anciennes, les etudes actuelles considerent que la difference entre un hameau et un village ne tient pas au nombre de fermes ou d’habitants, qu’elle n’est done pas purement quantitative. Elles detinissent Ie village et sa nature selon des criteres qualitatifs qui depassent la simple juxtaposition de fermes autonomes: des installations communes telles que puits, etangs, chemins, des regles collectives d’exploitation, une organisation communautaire des travaux. A cet egard, Ie haut Moyen Age a amene une transformation profonde des campagnes qui se traduisit par une croissance considerable de la population villageoise. Les structures villageoises qui se mirent alors en place devaient determiner la vie de nos ancetres jusqu’ au 1ge siecle.

Non sans rapport avec cette evolution, cette epoque connait un essor demographique stupetiant. Entre Ie lIe et Ie 14e siecles, l’Europe double voire triple sa population. II faudra attendre l’emergence de la societe industrielle pour connaitre dans notre histoire un essor comparable. La poussee demographique se trouvait en etroite correlation avec la mise en valeur et l’exploitation de nouvelles terres. Le deftichement intensif, l’assechement de marecages et l’endiguement du littoral fournirent de nouvelles terres arables indispensables pour nourrir Ie surcroit de population. La charrue a versoir, la herse et Ie principe de l’assolement triennal de plus en plus repandus sont autant de progres de la technique agricole de cette epoque. L’energie hydraulique connut une exploitation croissante et les moulins se multiplierent.