La tapisserie de Bayeux – Article tire du livre ENIGMES ET SECRETS DU PASSE

Tiré de « L’Écho des Cantons » no. 2, février 2000.

Extrait avec numérisateur et reconnaissance de texte.

La tapisserie de Bayeux

Article tire du livre ENIGMES ET SECRETS DU PASSE Selection du Reader’s Digest 1984

Aucune camera n’etait la pour filmer ce qui fut probablement I’evenement Ie plus memorable de I’histoire anglaise. L’invasion et la conquete du pays par Guillaume, duc de Normandie, en I’an 1066. Mais au lieu d’un film, une broderie posterieure de quelques annees aux faits qui l’inspirerent nous decrit avec force couleurs et details cette extraordinaire page d’histoire.

La tapisserie de Bayeux, aussi appelee tapisserie de la Reine Malthilde, longue de 70 metres, relate en 72 episodes les evenements qui marquerent les annees 1064 a 1066, et plus particulierement la lutte qui opposa pour Ie trone anglais Harold d’ Angleterre a son rival Guillaume de Normandie. Dans ce qu’on a appele un« drame feodal », OU serments et trahison, banquets et massacres se succedent, la tapisserie represente Ie serment d’allegeance qu’Harold aurait prete a Guillaume, son couronnement, puis I’invasion normande et fmalement la bataille d’Hasting (1066), qui vit la victoire de Guillaume Ie Conquerant.

A Bayeux, ancienne ville de marche proche de Caen, OU la tapisserie vieille de neuf cents ans est conservee dans un musee, la tradition attribue cette reuvre a Mathilde, femme de Guilaume Ie Conquerant. La plupart des historiens pensent cependant que I’reuvre fut realisee, sans doute sous la direction d’un artiste de talent; sur les ordres d’Odon, eveque de Bayeux et demi-frere de Guillaume.

Odon etait un homme ambitieux quijoua un role important dans l’invasion de I’ Angleterre. Apres la conquete, il devient duc de Kent et partagea avec deux autres barons la tdche de gouverner Ie pays lorsque Guillaume n’etait pas en Angleterre. La tapisserie, commandee peu apres 1066, vit sans doute Ie jour en Angleterre, pays qui etait alors renomme pour ses travaux d’aiguille. Elle est probablement I’oeuvre de brodeuses de la ville de Canterbury, capitale du comte d’Odon et centre d’une fleurissante ecole de dessin. Cette tMorie para1t confirmee par I’orthographe de certains noms, conforme a I’usage anglo-saxon plutot qu’a la graphie utilisee en France. Odon avait sans aucun doute des raisons pour commander cette tapisserie, la principale etant peut-etre de chanter ses propres louanges, puisqu’i1 occupe une place predominante dans les derniers tableaux de I’histoire. Iusqu’a une date recente, on pensait que la tapisserie etait destinee a decorer sa nouvelle cathedrale de Bayeux, consacree en 1067. Mais cette theorie a ete contestee en 1966, car la premiere mention de la presente tapisserie dans la cathedrale ne date que de 1476.

Par ailleurs, rien dans la tapisserie n’evoque une origine eccIesiastique. En effet, tout y chante la guerre et la conquete, ce qui ne para1t guere approprie pour une reuvre destinee a orner un lieu de culte. On croit donc aujourd’hui que les origines de la tapisserie sont tout a fait seculieres et qu’elle fut commandee pour decorer Ie palais de l’eveque Odon, sorte d’reuvre de propagande quijustifiait I’invasion normande de I’ Angleterre. Bien sur, la tapisserie represente des faits historiques, mais les themes qu’elle traite, particulierement la trahison dont Harold se serait rendu coupable envers Guillaume apres lui avoir promis son allegeance, penchent fortement en faveur de la cause normande.

Propagande ou pas, la tapisserie de Bayeux demeure un document remarquable. L’exactitude des faits qu’elle relate est peut-être contestable, mais la richesse et la couleur des scenes en font a tout le moins une extraordianire oeuvre d’art, la seule image que nous possédons de la dernière invasion de l’Angleterre.