L’enluminure a la fin du Moyen-Age par un auteur inconnu

Tiré de « L’Écho des Cantons » no. 1, mars 2000.

Extrait avec numérisateur et reconnaissance de texte.

L’enluminure a la fin du Moyen-Age

Ref.: http://www.bnf.fr/enluminures/texte/tx2_08,htm

Jusqu’a I’invention de I’imprimerie vers 1450-1455 par Gutenberg, les procedes de fabrication et de multiplication du livre etaient entierement manuels et artisanaux: la transcription du texte etait Ie fait du copiste, la decoration du manuscrit etant contlee it divers artistes ou artisans specialises. Les deux phases essentielles de I’ecriture et de I’enluminure etaient precedees en amont par diverses operations preliminaires: preparation du parchemin (support Ie plus courant, bien que concurrence, a la tin du Moyen Age, par Ie papier, moins couteux); decoupage de celui-ci en doubles feuilles ou bifolia plies ensuite de fa~on variee en fonction du format desire, I’assemblage, en nombre variable, de ces doubles feuillets constituant Ie cahier (Ie type de cahier Ie plus courant etait Ie quaternio, reunion de quatre doubles feuillets); reglure (it la pointe seche ou a I’encre) destinee a calibrer de favon homogene la surface ecrite du feuillet. Une ultime operation, en aval, consistait a reunir les differents cahiers constitutifs du manuscrit et it leur donner une protection, la reliure. Les delais d’execution etaient longs et Ie produit final couteux. La mise en vente et la diffusion de celui-ci etaient assurees par Ie libraire, personnage qui joue un role essentiel, a partir du XIIle siecle, dans la chaine de fabrication du livre.

L’enluminure n’etait executee qu’apres la transcription du texte que devait contenir Ie manuscrit, et dans les espaces reserves par Ie copiste dans sa mise en page de ce texte. II existait plusieurs niveaux de decor, dont chacun etait attribue, avec plus ou moins de rigueur selon I’organisation et l’importance du centre de production ou de I’atelier, it des praticiens specialises: au sommet de la hierarchic, l’enlumineur-iIJustrateur executait les peintures ou « histoires », mais cet artiste « noble » n’intervenait qu’apres ses deux collegucs de moindre rang, l’enlumineur charge de la decoration J1ligranee (decor trace a la plume avec des encres de couleurs) et l’enlumineur charge de la dec.oration peinte, c’est-a-dire des lettrines, bordures et encadrements (on designait ces derniers sous Ie terme generique de « vignettes »). Sauf les plus grands artistes, les enlumineurs-« historieurs » avaient peu d’initiative dans Ie traitement des sujets, qu’ils executaient Ie plus souvent a partir d’indications prealablement ecrites ou esquissees it la mine de plomb, a proximite des images qu’ils devaient peindre. La duree d’exccution variait en fonction de I’importance du cycle d’illustrations a accomplir, cette duree etant augmentee par les periodes de sechage qui interrompaient I’application des differentes couches de couleur.

Le statut social des enlumineurs de la tin du Moyen Age pouvait Stre tres variable: c’etajt Ie plus souvent de simples artisans travaillant en boutique, isolement ou sous forme de petites entreprises familiales, et dans des quartiers specialiscs lorsqu’ils etaient instalJes dans des centres importants comme Paris, Ol! I’essentiel des moyens de production du livre etait masse entre la cathedrale Notre-Dame et l’Universite. II y avait egalement I’artiste independant et itinerant, qui se deplayait de ville en viIJe, it la recherche des commandes. Les meilleurs enlumineurs, et les plus reputes, avaient rang d’artiste de cour: attaches au service exclusif d’un puissant mecene, ils jouissaient d’une certaine stabilite de l’emp1oi, mais pouvaient etre amenes eux aussi a changer d’horizon en cas de deces de leur protecteur, au en fonction des deplacements de celui-ci. C’est it cette elite qu’appartenaient des artistes comme Jean Le Noir, Jacquemart de Hesdin et les freres de Limbourg, qui furent successivement employes par Ie duc Jean de Berry, et qui enluminerent ses Petites Heures (BNF, Lat 18014).